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Nestlé Waters va payer une amende de 2 millions d’euros, des associations dénoncent une « justice qui fonctionne mal »

Nestlé Waters va payer une amende de 2 millions d’euros, après avoir conclu une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) avec le parquet d’Epinal, à la suite de deux enquêtes préliminaires, a annoncé le procureur d’Epinal, mardi 10 septembre. L’une concerne de potentiels forages illégaux dans la nappe phréatique, l’autre porte sur des traitements interdits que Nestlé a reconnu avoir mis en place pour ses eaux minérales.
Une CJIP permet d’imposer le versement d’une amende et/ou la conduite d’un programme de mise en conformité, ainsi que la réparation d’un préjudice. Mais elle n’a « ni la nature ni les effets d’un jugement de condamnation », et « n’emporte pas déclaration de culpabilité », précise le Code de procédure pénale.
Nestlé Waters doit s’acquitter de cette amende dans un délai de trois mois. La filiale du groupe suisse Nestlé s’est également engagée à « la réparation de l’impact écologique par la mise en place d’un ambitieux plan de renaturation et de restauration »  de deux cours d’eau, le Petit-Vair et le Vair, et à la restauration de zones humides situées sur le territoire de Vittel et de Contrexéville. Un plan à 1,1 million d’euros, qui devra être mis en oeuvre sous la supervision de l’Office français de la biodiversité pendant deux ans.
La société va en outre indemniser plusieurs associations de défense de l’environnement à hauteur de 516 800 euros, a précisé le procureur d’Epinal, Frédéric Nahon, dans un communiqué. Cette CJIP est « la plus importante en matière environnementale signée à ce jour en France », selon le parquet d’Epinal.
La conclusion de cette CJIP intervient à la suite de deux enquêtes préliminaires. La première portait sur l’inadéquation des autorisations administratives exigées par la réglementation pour permettre l’exploitation de neuf captages, sur les cent trente captages existant aux fins de commercialisation des eaux minérales produites par Nestlé Waters.
La seconde enquête concernait l’utilisation par la multinationale de traitements non autorisés par la réglementation sur les eaux minérales, en l’occurrence, le traitement par ultraviolets et des filtres à charbon actif.
Le parquet d’Epinal note que Nestlé Waters a mis fin aux irrégularités constatées et a cessé les traitements de l’eau non autorisés et a « pleinement coopéré » avec les autorités judiciaires et administratives. Le parquet précise qu’il n’y a eu aucune conséquence sur la santé publique.
« Compte tenu de ces éléments et de la connexité entre les deux procédures », le procureur d’Epinal explique avoir proposé la conclusion d’une CJIP qui « permet, tout en sanctionnant les non-conformités constatées, de privilégier la régularisation la plus rapide de la situation, la réparation de l’impact écologique et l’indemnisation de plusieurs parties ».
Les associations Vosges Nature Environnement, Foodwatch et Eau 88, autrices de plaintes contre Nestlé, ont été invitées à chiffrer leur préjudice mais dénoncent la solution retenue par la CJIP. Cette convention équivaudrait « à mettre l’affaire sous le tapis et à permettre aux responsables de Nestlé Waters de s’en sortir sans autre explication ni conséquence que le versement d’une somme d’argent », estimait, la veille, Foodwatch, appelant au rejet de l’homologation.
« La disposition est un peu scélérate, elle permet aux gens qui ont de l’argent d’échapper à un jugement et à un casier judiciaire », déplore auprès de l’Agence France-Presse Bernard Schmitt, du collectif Eau 88, qui avait porté plainte dès 2020 sur de potentiels forages illégaux. Mais en l’absence de convention, « comme Nestlé a des avocats et beaucoup de moyens, que la justice a peu de moyens, on va se retrouver cinq à dix ans plus tard avec des délits que tout le monde aura oubliés et une sanction ridicule… Donc qu’est-ce qu’on fait ? ».
« Ce serait mentir de dire que nous sommes satisfaits de l’issue choisie par le parquet pour éteindre ce scandale », réagit Marie-Amandine Stévenin, la présidente de l’UFC-Que choisir. La procédure montre « les limites actuelles et malheureuses de la justice en France », selon elle. « C’est une potion amère qu’on avale. L’outil est loin d’être parfait, mais permet, en termes d’environnement, d’avoir une réponse plus rapide », tempère François Zind, avocat d’Eau 88.
« Nous avons exigé qu’il y ait, dans la convention, une étude d’impact sur les quantités d’eau dans les nappes et l’impact » de l’activité de Nestlé, complète-t-il. Sans la convention, « on en aurait pour sept ou huit ans, comme savent le faire les multinationales, et ce temps-là on ne l’a plus par rapport à l’urgence climatique et à ce qu’on pense être une surexploitation de la ressource ».
« C’est révélateur d’une justice qui fonctionne mal. Si la justice avait les moyens de fonctionner, on devrait avoir un procès en bonne et due forme », estime Jean-François Fleck, de Vosges Nature Environnement. L’association a néanmoins répondu à la demande d’estimation de son préjudice.
En septembre 2022, Nestlé France avait déjà signé une CJIP avec le procureur de Charleville-Mézières (Ardennes), après la pollution en 2020 de la rivière Aisne, causant la mort d’environ six tonnes de poissons. Tout en contestant que son usine de Challerange (Ardennes) soit à l’origine de la pollution, malgré les constatations des gendarmes et de l’Office français de la biodiversité, la multinationale avait accepté une amende de 40 000 euros.
Le Monde avec AFP
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